« Au fond je suis persuadé que les chefs-d'oeuvres détestent être des chefs-d'oeuvre. » résume Frédéric Beigbeder. Voici une manière de bilan, sans prétention à être exhaustif, de la littérature au 20ème siècle. Pendant l'été 1999, 6 000 lecteurs ont choisi d'établir leur sélection des 50 livres du siècle, à l'aide d'une pré-sélection établie par la FNAC et le journal Le Monde. Le tout aboutit à cet inventaire commenté, avec la subjectivité qu'on imagine. Alliance de la démocratie et du choix subjectif, cette liste permet à notre trublion cultivé de « rafraîchir », de rajeunir, de discuter, de plaisanter, les oeuvres en question.
De Nadja d'André Breton (n° 50) à L'Etranger d'Albert Camus (n°1 au top 50), en passant par Lolita de Nabokov ou Bonjour tristesse de Françoise Sagan, on lira ici un Panthéon drôlatique et irrespectueux. Le commentateur s'autorise tous les raccourcis, les parallèles avec les mouvements littéraires d'aujourd'hui, mais sans jamais de départir d'un véritable enthousiasme.
Aron Jean-Marie Lustiger (1926-2007), à la fois entier et double, croyant dévoué et intellectuel engagé, juif de naissance converti au catholicisme, fidèle aux traditions et tourné vers l'avenir, être de recueillement et de terrain, est une énigme.
Dans cette biographie née d'une relation de près d'un quart de siècle avec son sujet, et d'après les nombreux témoignages de son entourage et un accès aux archives inédites, Henri Tincq révèle le destin singulier d'un jeune juif devenu cardinal. On y retrouve une enfance foudroyée par la mort de sa mère, Gisèle-Léa, déportée à Auschwitz - un drame qui marquera tous ses choix de vie, humains, sociaux ou religieux ; son intérêt pour la chose politique, notamment ses dialogues avec François Mitterrand et son aversion pour Jacques Chirac ; sa relation privilégiée, presque fraternelle, avec Jean-Paul II ; et son élection, en 2005, à l'Académie française.
Au-delà de la plus étonnante carrière épiscopale du XXe siècle, se dessine le portrait psychologique, celui d'un insatiable, d'un hyperactif omniprésent. " Il se prend pour Dieu ", vont jusqu'à prétendre ses détracteurs. S'il est de tous les combats, le cardinal Lustiger fut en Israël l'homme d'une mission et joua un rôle fondamental dans la maîtrise des tensions. Sacré " cardinal des Juifs ", il oeuvra sans relâche pour la paix au Proche-Orient, et pour une meilleure entente entre les peuples.
Les ouvrages et les expositions autour d'Andy Warhol sont toujours aussi nombreux depuis sa mort en 1987, mais une lacune majeure subsistait : un recueil qui réunisse ses interviews.
Du premier entretien dans Art Voices en 1962 jusqu'au dernier avec Paul Taylor en 1987, Warhol a toujours répondu aux innombrables sollicitations des revues spécialisées ou grand public. Observateur scrupuleux des médias, lui-même éditeur du magazine Interview dès 1969, il a immédiatement compris le parti qu'il pouvait tirer de cet exercice obligé. Il a ainsi façonné son image publique par des réponses précises ou sibyllines, à la fois elliptiques et lumineuses, qu'il livrait avec humour et détachement. Sous couvert d'une indifférence amusée, Warhol impliquait fréquemment les journalistes dans un jeu de miroirs étrange et sophistiqué, les amenant parfois à répondre à leurs propres questions...
Kenneth Goldsmith a choisi 37 entretiens sur la centaine que l'on peut aujourd'hui inventorier dans les Archives du Musée Andy Warhol de Pittsburgh. Certains sont inédits, d'autres publiés dans des revues aujourd'hui introuvables. Ils couvrent une grande variété de sujets : la peinture, le cinéma, la télévision, l'argent, la photographie, la mode, le sexe, la célébrité, la mort... Ce sont des textes, étranges, drôles, incisifs, qui dévoilent une personnalité en perpétuelle évolution. La mosaïque qu'ils composent offre un témoignage exemplaire sur l'une des périodes les plus fécondes de la culture américaine.
L'ouvrage en français sera préfacé par Alain Cueff, spécialiste de l'art contemporain.
Cet ouvrage se propose de raconter (avec l'incroyable talent pédagogique des deux auteurs) l'étrange histoire du. hasard. Et cette histoire commence en 1920, lors des discussions du fameux "groupe Solvay", avec l'affrontement d'Albert Einstein (pour lequel "Dieu ne joue pas aux dès", ce qui signifie : il n'y a pas de hasard dans l'univers) et les tenants de la mécanique quantique, regroupés autour du physicien Eisenberg qui, à l'inverse, croit que la matière et les molécules sont distribuées au hasard.
L'enjeu de cette discussion est de taille : s'il n'y a pas de hasard, cela signifie que la création obéit à un plan, et que partant, il y a un architecte - c'est-à-dire un Dieu. En revanche, si le hasard mène le monde, alors Dieu n'est plus nécessaire. Cette polémique se déploie à travers les universités du monde avec des coups de tonnerre, des découvertes, des percées scientifiques - dont Igor et Grichka Bogdanov racontent les péripéties avec un talent et un sens du suspense tout à fait extraordinaires.
Dans un premier temps (jusqu'aux années 1950, Einstein semble être le grand perdant de cette polémique - mais tout change avec les découvertes de la théorie de l'information - dont le savant Boltzmann est la figure de proue : désormais, les théoriciens de l'entropie en reviennent aux positions "anti-hasard", ce qui ouvre la porte à toutes les spéculations philosophiques. On pourrait croire que ce sont là des débats fort complexes - et ils le sont parfois.
Mais les "Bogda" s'arrangent pour nous "initier" de telle sorte que l'on comprend tout (soyons honnêtes : presque tout) de leur démonstration.Conclusion : Dieu refuse toujours de "jouer au dés". Ce qui implique que l'univers se soumet à des lois, à des codes, à un codeur auquel on donnera le nom que l'on veut.
Depuis son prix Médicis-essai pour La sculpture de soi, Michel Onfray n'a cessé de s'imposer comme l'un des meilleurs essayistes de sa génération.
Il y a fort longtemps, déjà, le père de Michel Onfray un homme modeste qui n'avait jamais quitté son terroir normand avoua à son fils que, s'il pouvait voyager, il aimerait bien découvrir le Pôle Nord. Vingt ans plus tard, son fils, devenu un écrivain célèbre, décide de réaliser ce rêve et, en juin dernier, il amena donc son père pendant trois semaines jusqu'à ce « pôle » énigmatique et presque inaccessible... Il en a rapporté un livre qui est à la fois un récit de voyage, une philosophie du froid, une méditation sur les civilisations qui disparaissent, sur les méfaits de l'industrialisation, sur la sagesse des peuples à l'agonie. C'est aussi un livre de fidélité et de piété filiale.
Au Pôle Nord, Michel Onfray, philosophe hédoniste, s'est surtout interrogé sur la nature des cultures où le plaisir n'a pas sa place. « Là-haut », « là-bas » tout se joue dans une logique de survie. Il interroge donc la pierre, l'espace, les sites, la répétition des gestes, le conflit de la sédentarité et du nomadisme. Michel Onfray s'est immergé dans la pensée des Inuits ; il s'est renseigné sur les mythes, sur les curieux rapports que les peuples polaires entretiennent avec le nihilisme et l'espérance, sur la merveilleuse sérénité de ces désespérés. On trouvera donc, dans cette approche, des descriptions (splendides), des réflexions, des anecdotes, des échos de conversations avec des guides ou des chasseurs de phoques. Bien entendu Michel Onfray se fait aussi ethnologue, dans le sillage de Jean Malaurie. Il se sert de ce « pôle » pour penser sa propre nostalgie épicurienne du Sud. C'est un texte incroyablement dense, poétique et intelligent.
Un photographe a accompagné Michel Onfray dans ce voyage. Il en a rapporté des images saisissantes qui seront reproduites dans un cahier-photo à l'intérieur de cet ouvrage.
Laurence Benaïm a 38 ans. Journaliste, elle dirige les pages consacrées à la mode au journal Le Monde. Elle est l'auteur chez Grasset d'une biographie d'Yves Saint Laurent (1993).
Son prénom est plus célèbre que son nom pourtant illustre : Marie-Laure. Née en 1902 dans une famille au croisement de l'aristocratie (les Chevigné) et du judaïsme ( les Bishoffsheim), elle est à sa mort en 1970 la dernière représentante d'un monde auquel elle n'a jamais appartenu. Enfant, elle a déchiré les lettres de Proust à sa grand-mère, Laure de Chevigné, modèle d'Oriane de Guermantes. Elle a grandi dans une maison que fréquentèrent Anatole France, Mistral, Bakst, ou Francis de Croisset, Bel-ami qui devient son beau-père. Adolescente, cette jeune femme qui fut élevée en solitaire connaît le tourbillon du monde, Lolita de Cocteau , elle s'étourdit dans les années folles. Mariée à Charles de Noailles, le couple concilie l'argent et le goût, mécène de l'âge d'or du surréalisme, demandant à Mallet-Stevens de leur construire à Hyères une maison cubiste, à Jean-Michel Frank de démeubler leur salon de la place des Etats-Unis, offrant à Bunuel de tourner L'Age d'or, dont la projection entraîne l'un des plus vifs scandales esthétiques des années trente. Une provocatrice ? Une anticonformiste ? En 1936, elle soutient les républicains espagnols et en 1968 elle se rend sur les barricades en Rolls-Royce.
Son plus grand talent ? Sentir l'époque. Il y a un ton Marie-Laure. Il y a un goût Marie-Laure : placer sur une cheminée à la fois des ivoires esquimaux, des vases étrusques et un réveil Fabergé. Tortionnaire adorée , intelligence feu follet , choquant le Faubourg Saint-Germain, cette éternelle étrangère se métamorphose, à la fin de sa vie, en Mère Ubu enjuponnée de gros tweed. La décadence de l'aristocratie, la scène avant-gardiste, l'ascension de la café-society , le gratin cosmopolite.
Avec une virtuosité d'écriture, brassant tout le paysage littéraire et artistique, de Cocteau à Crevel, de Poulenc à Dali, Laurence Benaïm a écrit le destin d'une iconoclaste, fâchée avec sa naissance.
« Inna Shevchenko, dite Inna, est un personnage qui semble sorti de l'imaginaire de l'un de ces auteurs russes doués pour offrir au monde des destins tourmentés.
De son corps, elle a fait une arme. Coeur et émotions en sourdine, son goût pour la lutte et la propagande ont fait d'elle une guerrière. Sa silhouette d'Amazone, cheveux au vent et seins à l'air, a déjà marqué l'iconographie de ce siècle. A 23 ans, Inna a vécu plusieurs vies, subi des centaines d'arrestations et de gardes à vue et a même été kidnappée en Biélorussie. Elle a dû fuir son pays, l'Ukraine, après avoir tronçonné une croix. Elle s'est battue pour sauver Amina des geôles tunisiennes et des foudres salafistes. C'est à Paris, en exil, que nos destins se sont croisés. Ensemble, nous nous sommes dressées face aux patriarches et aux néo-fascistes. Nous nous sommes aussi affrontées lorsque sa fureur marxiste et révolutionnaire heurtait mon aspiration aux lumières tamisées de la laïcité, et peut-être plus encore, à l'art de vivre.
Pasionaria, nihiliste ou fanatique ? Qui est-elle vraiment ? Les journalistes du monde entier tentent de la déshabiller davantage et se heurtent à une porte de plomb. Inna peut enlever le haut mais jamais son armure. J'étais loin de me douter du chemin qu'il faudrait parcourir pour contourner sa méfiance. Avec obstination, j'ai glané le droit d'accéder à son histoire et à son intimité. Non sans avoir dû baisser la garde à maintes reprises.» C.F.
Laurent Joly, professeur agrégé d'histoire. Allocataire au centre d'histoire sociale du XX° siècle de Paris 1, prépare une thèse de doctorat sur le Commissariat général aux questions juives sous la direction du professeur Pascal Ory.
Xavier Vallat est une figure emblématique de l'antisémitisme français et de la persécution des Juifs sous Vichy. Héraut des milieux anciens combattants de la droite catholique à la Chambre des députés pendant l'entre-deux-guerres, il fit scandale le 6 juin 1936 lorsque, s'adressant à Léon Blum du haut de la tribune parlementaire, il lança : « Pour la première fois ce vieux pays gallo-romain va être dirigé par un Juif ».
Il devint dès lors le champion des milieux antisémites français, et, en juillet 1940, il se rallia avec enthousiasme au maréchal Pétain. En mars 1941, Xavier Vallat prit la direction du Commissariat Général aux Questions Juives. Pendant un an, il s'acquitta de ses fonctions avec une ferveur fanatique, donnant à la France une législation anti-juive complète et systématique, il ordonna un recensement des Juifs en zone libre et tenta de faire adopter un nouveau Statut des Juifs, encore plus sévère que la législation nazie. Après son départ du Commissariat, il resta jusqu'au bout fidèle au régime et remplaça, en juin 1944, Philippe Henriot (assassiné par la résistance), au micro de la radiodiffusion nationale.
En 1947, son procès en Haute Cour fit sensation : Xavier Vallat assuma pleinement son action sous l'Occupation, et alla même jusqu'à utiliser ses convictions antisémites comme stratégie de défense.
Ayant sauvé de justesse sa tête, il devint le compagnon de cellule de Charles Maurras. Après sa sortie de prison, il termina sa carrière comme éditorialiste vedette de l'organe nationaliste Aspect de la France, et s'illustra une dernière fois en novembre 1967 en reprenant à son compte - tout en les dévoyant - les propos du général de Gaulle sur les Juifs « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur ».
En suivant tout au long du siècle l'itinéraire politique et intellectuel de Xavier Vallat, c'est toute une tradition politique de la France, catholique et antisémite, que ce livre fait revivre et comprendre.
Lors d'un voyage en Afrique avec son amant, Marielle Trolet Ndiaye ressent soudain comme une évidence que sa vie doit se poursuivre ici, au Sénégal. Laissant derrière elle un amant, un compagnon, une profession valorisante, toute une vie confortable mais dans laquelle elle se sentait à l'étroit, elle s'installe dans un petit village sénégalais, Popenguine. Elle y rencontre Tamsir, paysan et pêcheur, dont elle tombe amoureuse et à qui elle donne deux enfants.
C'est le récit d'une renaissance. En adoptant les moeurs, les coutumes, les rites de ce village africain, cette femme fait voler en éclats ses habitudes et ses repères occidentaux. Epousant le rythme de ce village traditionnel, encore épargné par les méfaits de la mondialisation (à la différence de Dakar où elle a aussi passé quelques temps), elle réapprend à vivre selon une autre conception du monde, une autre notion du temps, de l'argent, des rapports humains, amoureux, familiaux...
Malgré son titre, cet ouvrage ne défend pas une thèse. Il n'entend pas démontrer, mais faire découvrir, à travers une galerie de portraits, qu'au siècle des Lumières, et dans des domaines essentiels, nombre de femmes ont eu, par leur talent, un rôle si prédominant qui'l n'est pas excessif de parler d'un règne pour qualifier la nature de leur pouvoir. Ce pouvoir, elles ne l'ont pas conquis sur l'autre sexe car le déclin des élites aristocratiques et ecclésiastiques laissait la place libre. Ces femmes ont su s'en saisir et s'imposer avec éclat: elles s'appelaient Agnès de Pris, Claudine-Alexandine de Tencin, Sophie Arnould, Manon Roland... Sous leur influence on nommera les généraux et les ministres, on élira les académiciens, on décidera de la carrière des prélats. Rayonnantes en leurs salons, certaines affirmeront leur détermination jusqu'à l'échafaud. C'est l'histoire de ces femmes d' exception - une soixantaine, en tout - qui est ici contée.C'est le roman féminin des Lumières...
« Dans cet instant de faux, on voit le vrai. Au maquillage, chaque matin à la télévision, j'observe mon invité politique qui se réveille, reprend contact avec le réel, aiguise une petite phrase, fourbit une idée. La peau se maquille, mais le cuir ne ment pas.
Plus tard, ailleurs, il y a les moments volés à l'actualité, sans précipitation ni téléphone : recontres discètes, confidences "off the record", complicités et engueulades.
Les tourbillons de la vie et de la politique en ont emporté plus d'un : DSK englouti dans le sordide ; Borloo noyé dans sa propre hésitation ; Ségolène et Martine balayées par la primaire ; quelques figurants détruits par leur propre quart d'heure warholien.
Et puis il y a le "héros", ou plutôt l'antihéros, de cette pièce où les meilleurs acteurs ne sont pas toujours ceux que l'on croit. A intervalles réguliers, j'ai rencontré Nicolas Sarkozy ces dernières années, presque toujours à l'Elysée. Longs soliloques, parties de cache-cache, passe d'armes, glace et feu. Et toujours, le mystère de sa violence brumeuse.
Enfin, entre lui et moi, entre la politique et la vie, il y a Carla.
Le quinquennat s'achève, les lumières s'éteignent une à une, les carnets se vident... Que la fête commence ! » C.B.
La piraterie, qui connaît un regain d'énergie depuis 1970, est devenue un sujet d'inquiétude international depuis 2008. Entre 1990 et 2009, le Bureau Maritime International (BMI) a recensé plus de 4000 actes criminels dans ce domaine. La côte somalienne, où les assauts rivalisent d'audace, se situe en tête des zones à risque, et incarne tout l'enjeu de la piraterie moderne : le capitalisme.
Afin de survivre dans des pays anéantis par la famine et dé-vastés par les guerres civiles, les plus démunis pillent les tré-sors des plus fortunés. Ce sont les pauvres pécheurs, les cul-tivateurs et chauffeurs de taxi qui, le plus souvent, revêtent en ultime recours l'uniforme de brigand des mers. La géo-graphie maritime des côtes somaliennes facilite les attaques : des passages obligés, étroits, où la densité du trafic attise toutes les convoitises.
Viviane Malher et Jean Guisnel ont mené l'enquête sur place et passent au peigne fin la question du brigandage en haute mer : qui sont ces pirates ? Pour quelles raisons sévissent-ils et surtout comment procèdent-ils ? A qui profite le crime ? Et par quels moyens éradiquer cette mafia d'un nouveau genre ?
A Fréjus, il y avait la plage sur laquelle, pendant longtemps tu as régné. Dans ma mémoire, cette plage des années cinquante est encore à peu près déserte. Notre peau était encore plus méditerranéenne que la mer. Elle brunissait au fil de l'été, le sable s'accrochait aux cheveux, nos sexes étaient salés et les filles s'allongeaient comme des royaumes. » Ce livre intime fait entendre deux voix : l'une est celle de François écrivant une lettre tendre ou blessée à son frère aîné Philippe, en une plongée dans la mémoire familiale, entre une mère corse et un père au service de la République. Il l'apostrophe à travers le temps, se souvient des chamailleries d'adolescent, des brûlures de l'été, des études, puis du comédien, du clown triste, du Capitaine Fracasse au théâtre, du personnage public qui s'éloigne, prend la nuit comme compagne, et se perd, à jamais, dans la drogue et l'alcool. L'autre voix, celle de François Léotard l'auteur, cherche à comprendre l'être humain, trop humain : celui qui aimait à citer « Qui va à sa perte, sa perte l'accueille » mais chantait et écrivait, jouait avec Ariane Mnouchkine, montait une pièce de Bernard-Marie Koltés avec Patrice Chéreau, ou recevait le César de la meilleure interprétation pour La balance. L'homme quitté par Nathalie Baye, le séducteur qui aimait trop facilement, devenait père à son tour, et continuait pourtant de flirter avec les moyens d'en finir. Ce livre inclassable, émouvant, n'est pas une biographie de Philippe Léotard, comédien, chanteur, mort le 25 août 2001. D'une voix l'autre, l'auteur nous fait osciller entre l'enquête et le journal intime, le souvenir et la rencontre, avec Michel Piccoli ou Patrice Chéreau, entre le portrait d'un frère qui refuse de mourir et l'autoportrait de l'auteur, qui se demande s'il a su l'aimer.
C'est la chronique d'un paradis qui ressemble souvent à l'enfer. C'est l'exploration d'une « cité des anges » peuplée de démons. C'est une mégapole où chacun célèbre, dans l'anonymat, le culte de la « starité » et où l'on veut, à tout prix, être « normal » en forçant sur la dose de bizarrerie... Cette ville-enfer-paradis, on l'aura deviné, c'est Los-Angeles. Et c'est dans cette ville qu'Annette Lévy-Willard s'est réfugiée, voici quelques années, avec mari et enfants. Elle observe ; elle veut comprendre, elle veut appartenir à cette ville, puis lui échapper. Son livre est la chronique de ce balancement entre l'amour et la détestation...
A partir de là, ces chroniques se présentent comme une succession de scènes de genre, très cocasses, très vivantes. Doit-on accepter de surpayer une maison au motif que l'agent de Mel Gibson habite en face ? Comment expliquer au rabbin du quartier que les ados européens ont une sexualité précoce ? Comment être fauché dans un monde de riches ? Ou riche dans un système où les vrais pauvres sont légion ? Comment avoir un corps moins parfait que celui des filles ou hommes silliconés ? Comment être seul dans un lieu où la solitude est un péché ? Et comment ne pas y être seul puisque tout l'exige ? Annette Lévy-Willard a tout vu de Los-Angeles : les gays, les Hispanos, les Chinois, les patriotes, les snobs, les exilés, les nantis. Son livre raconte l'épopée quotidienne de ces contingents modernes. Oui, est-ce le paradis ? Est-ce l'enfer ?
L'Infiltrée raconte à la première personne un destin exceptionnel. La narratrice est née dans une famille juive irakienne prospère. Après la guerre des Six jours (juin 1967), son père est arrêté par les autorités et torturé par la police qui cherche à lui faire avouer qu'il est un espion à la solde d'Israël. C'est sous la menace ultime de voir sa femme enceinte éventrée, que le père « craque » et avoue. Il sera pendu. Puis c'est au tour de la grand-mère d'être tuée. Le reste de la famille entreprend de fuir vers Israël, via l'Iran. La narratrice raconte alors ses années de formation à l'Université de Tel Aviv, au département des études sur le Moyen-Orient. Elle cherche frénétiquement à retrouver la trace de son père du côté israélien : était-il effectivement un espion ? C'est en apprenant à se cacher parmi les ultra-orthodoxes juifs que lui vient ce sens du « camouflage » qui lui sera si précieux plus tard. Car elle quitte Israël avec mari et enfants pour s'installer aux Etats-Unis, où elle trouve du travail dans un organisme de recherche à but non lucratif qui recueille de l'information sur le Moyen-Orient.
En 150 pages claires, fortes, solidement étayées par les études économiques les plus récentes, l'expertiste d'économistes et de syndicalistes français, mais aussi par les expériences menées chez certains de nos voisins européens, attachés comme nous aux principes d'un droit du travail protecteur des salariés et de l'Etat-Providence, ce livre démontre que le chômage est un mal français bien réel, mais qui peut être vaincu à travers sept pistes d'actions concrètes. Sept pistes inspirées par une « philosophie » assez simple : corriger les mécanismes naturels du marché par des règles, des accords entre partenaires sociaux et des interventions publiques (en investissement ou en fonctionnement) pour créer en France une économie de marché solidaire et de plein emploi. 1. Vaincre le chômage en créant les emplois de demain. Constant : despécialisation industrielle de la France. Solution : pour contrer les effets de délocalisation, il faut assurer le développement de la France sur les industries à haute valeur ajoutée et les services. Les Etats-Unis conduisent cette politique industrielle et de recherche avec succès. Nous le pouvons aussi. 2. Vaincre le chômage en éradiquant l'échec scolaire à la source. Constat : le chômage est lié à l'échec scolaire déterminé lui-même dans la petite enfance. Solution : suivi individuel des tout jeunes élèves en difficulté scolaire issus le plus souvent des milieux défavorisés. 3. Vaincre le chômage en augmentant le nombre d'individus diplômés et qualifiés : nous avons exactement le même niveau de chômage que les Etats-Unis par niveau de diplôme, mais nous avons un nombre de diplômés beaucoup moins important que les Etats-Unis. Poursuivre la révolution scolaire par le développement massif de l'Université est un enjeu essentiel. 4. Vaincre le chômage en subventionnant le travail non qualifié. 35% des chômeurs sont non-qualifiés. Les mécanismes spontanés du marché ne permettent pas de résorber ce chômage, sauf à baisser dramatiquement la rémunération de ces travailleurs, soit directement, soit en les cantonnant dans des contrats à temps partiels qui ne permettent pas de vivre. La gauche doit corriger ces mécanismes de marché et favoriser l'emploi de ces salariés en subventionnant leur embauche dans le cadre d'accords entre partenaires sociaux. 5. Vaincre le chômage en favorisant la reprise d'activité pour les chômeurs (création de l'Allocation Différentiel de Revenu proposée par R. Godino) : pour ne par décourager le retour à l'emploi des RMIstes, encore faut-il que le fain de revenu soit suffisant. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, d'où la nécessité de mettre en place un dispositif puissant. 6. Vaincre le chômage en favorisant l'entrée dans la vie active des jeunes (emplois-jeunes). 7. Accroître considérablement le coût du licenciement et de l'indemnisation chômage pour les entreprises afin de favoriser les entreprises vertueuses.
Immortalisés dans l'imaginaire collectif par la scène d'anthologie du film de Cecil B. DeMille, devenus chacun une manière de proverbe dont la signification et les origines se sont perdues au fil des siècles, les dix commandements, dit Savater, sont abordés aujourd'hui de façon fort légère mais « n'en font pas moins partie intégrante du patrimoine de l'humanité ». Avec la verve iconoclaste et l'humour décapant qu'on lui connaît (et qui n'ont d'égal, sous les atours faussement naïfs d'une prose limpide et enlevée, que son érudition et sa profondeur de réflexion), Fernando Savater dépoussière les fameuses tablettes de pierre et, sous le marbre gravé, révèle de quelle manière les injonctions divines demeurent d'actualité en ce début de 21e siècle. Savater examine un par un les dix commandements et les confronte aux exigences parfois contradictoires que suppose notre modernité : comment ne pas « vénérer d'autres dieux » à l'heure du cosmopolitisme religieux ? Comment « sanctifier le jour du Seigneur » à l'heure de la mondialisation effrénée et du chômage généralisé ? Comment ne pas « mentir » dans notre monde inféodé au discours publicitaire ? Et qui, enfin, n'a jamais « convoité » la femme d'autrui oe... Savater démontre que, si obsolètes puissent-ils paraître aujourd'hui, les dix commandements demeurent la pierre de touche morale de l'humanité toute entière.
Au XIXe siècle, le passé subit de tels coups de boutoir - politiques, familiaux, religieux - qu'il explose littéralement, faisant voler en éclats tous les repères de la tradition. Balzac dira qu'on se trouve désormais au milieu des débris d'une grande tempête. Rien n'avait préparé le psychisme à de tels bouleversements, car la conjonction de la tabula rasa de la Révolution, de la remise en cause de l'autorité du pater familias, et de l'apparition d'un monde laïcisé n'avait pas de précédent. Les névroses que traite Freud sont souvent l'expression du vertige qui en résulte : l'intériorité est comme perdue dans un labyrinthe intérieur. L'inventeur de la psychanalyse n'aurait donc pas imposé à l'humanité sa névrose personnelle, comme le prétendent ses détracteurs. Il n'aurait pas davantage fourni une explication universelle du psychisme humain avec le thème du parricide, comme le voudraient ses fidèles. Il aurait simplement exprimé en créant une nouvelle science de l'âme la tragédie intime de son temps.
T. D.
Dans cet essai limpide, Thérèse Delpech examine la pensée de Freud, fondamentalement ancrée dans son époque ; elle montre comment bouleversements historiques et déséquilibres psychiques sont liés ; elle analyse la vie et les travaux de Freud à la lumière des oeuvres majeures de la littérature mondiale - Les Frères Karamazov et le meurtre du père, Le Roi des Aulnes et l'abandon du fils, La Gradiva, Le Paradis Perdu, Hamlet, oedipe.
Rapport à la tradition, héritage du passé, fratricide, parricide, répression des désirs, trahison, culpabilité, angoisse de la mort : Thérèse Delpech revisite tous les grands thèmes de la pensée freudienne, et montre que les " maladies de l'âme " sont le Mal emblématique du passage au XXe siècle.
20 millions de spectateurs en France, 30 millions à travers le monde : plus qu'une comédie, « Intouchables » est un phénomène de société. Comment expliquer cet incroyable succès ? Est-ce l'humour des réalisateurs ? Le sourire d'Omar Sy ? Le message réconciliateur de cette amitié entre un riche aristocrate et un petit voyou ? Ou l'espoir que cette histoire a su redonner à une société en mal de rêve ?
Des premières ébauches du scénario, dans le Riad marocain de Philippe Pozzo di Borgo, à la tournée mondiale, entre Los Angeles et Tokyo, Isabelle Giordano a retracé l'exceptionnel parcours du film. Pour la première fois, les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache lui ont ouvert leurs archives personnelles : anecdotes inédites, photos du tournage, articles, confessions, lettres d'Omar Sy et de François Cluzet. Vous pensiez tout savoir sur «Intouchables » ? Bienvenue dans les coulisses.
Ce riche album comprend également les analyses de sociologues (Gerald Bronner, Gilles Lipovetsky), d'un anthropologue (Dominique Desjeux), du président du Conseil économique, social et environnemental (Jean-Paul Delevoye), d'une philosophe (Cynthia Fleury) et d'un psychiatre (Serge Tisseron).
Isabelle Giordano est journaliste et directrice générale de Unifrance films.
Eric Toledano et Olivier Nakache sont scénaristes et réalisateurs de cinéma.
Eric Toledano et Olivier Nakache reverseront l'intégralité des recettes qui leur sont destinées aux associations Les Toiles Enchantées et Le Silence des Justes.
Il y a quelques mois encore, ils dirigeaient l'Egypte. Aujourd'hui, traqués ou incarcérés, ils ont repris le chemin de la clandestinité. Qui sont les Frères Musulmans ? Disséminés dans le monde arabe, en Europe et aux Etats-Unis, constitués en associations, en partis politiques ou en organismes de charité, ils sont régulièrement soupçonnés d'être liés aux mouvements jihadistes. Tantôt présentés comme des islamistes modérés, tantôt comme des théocrates déguisés, les Frères intriguent autant qu'ils inquiètent. Michael Prazan a voulu percer leur mystère et les a suivis, rencontrés et interrogés pendant plus de deux ans.
Du Caire à Tunis, de Gaza aux camps afghans d'Al-Qaïda, on le suit dans le bureau de Khairat al-Shater, le vice-Guide suprême de la Confrérie, le salon de Rached Ghannouchi, leader du parti tunisien Ennahda, ou les appartements de l'Institut Français de Londres où se confie Noman Benotman, un terroriste repenti, naguère proche de Ben Laden. A travers ses échanges avec eux, avide de comprendre leurs principes, leurs buts, leur organisation, leur expansion fulgurante, leurs méthodes d'action et leurs ambigüités, l'auteur fait le récit d'une histoire presque centenaire, émaillée de succès, de répressions et de zones d'ombres. Entre les dirigeants haut placés qui jurent ne vouloir que la démocratie et les salafistes moins prudents, les discours pacifistes se mêlent aux harangues antisémites et aux invitations au jihad pour dessiner le visage trouble de la puissante confrérie islamiste.
Une enquête inédite et haletante.
C'est grâce à sa très ancienne complicité avec François Hollande que Cécile Amar a pu, avec finesse et indiscrétion, observer la métamorphose d'un Premier secrétaire du Parti Socialiste en Président de la République. Elle le suit, recueille ses confidences, note ses bons mots, prend la mesure de ses colères (de plus en plus fréquentes) ou de son humour (toujours en activité). Il en ressort un portrait par touches, très précis, alternant la cruauté et l'indulgence. Sur le fond, il apparaît que François Hollande n'en revient pas d'être Président. Chaque jour, il s'étonne, tout en jubilant d'avoir prouvé à sa génération - qui l'a souvent sous-estimé, voire méprisé - ce dont il est persuadé depuis trente ans : c'est lui le meilleur.
Ce qu'il veut ? Gérer le pays avec des bouts de ficelle, comme il a géré pendant dix ans le PS. Enfant de sa mère, " il n'a pas d'affect " (dixit Valérie Triewieler), il est " insaisissable " (dixit Thomas, son fils). Cécile Amar note tout : une obsession (mimétique) de François Mitterrand, un côté " monsieur-petites-blagues ", un optimisme à toute épreuve, et la conviction que le destin lui sera toujours favorable. Au passage, on en apprend beaucoup sur ses vraies relations avec Vals, Ayrault, Ségolène, et Martine Aubry - dont il n'exclut pas de faire son prochain Premier ministre. Ce Président est-il " heureux " maintenant qu'il a atteint son but ? Pas sûr... Pourquoi ? Tel est, en vérité, le sujet de cette enquête composée de saynètes où, derrière le détail, affleure la vérité d'un homme qui, dit-on, et même à l'Elysée, frappe à la porte de son bureau avant d'y entrer...
Guillaume Depardieu n'était pas seulement un grand acteur. Il était aussi, et surtout, un chanteur et un poète stupéfiant. Peu le savaient, un seul lui a permis de trouver la musique pour porter ses mots, son ami de toujours et parrain musical, François Bernheim. Cinq ans après sa mort, l'album sort, François raconte.
Depuis quand Guillaume voulait-il être chanteur ? Quand a-t-il écrit ses textes si intimes et engagés ? Enregistré cet album ? Quels projets musicaux nourrissait-il, loin des plateaux de cinéma? Des premiers pas de Guillaume en musique au jour où il lui a apporté ses textes, de l'enregistrement éclair de l'album à sa mort, François a confié à Sylvie Matton, son amie intime et écrivain, leur histoire d'amitié, de musique et d'amour. A travers ses mots et ceux de Guillaume, dont chaque chanson est reproduite dans ce récit inédit, on découvre la bande-originale d'un être médiatisé mais secret, ici enfin révélé.
Producteur, compositeur et interprète, François Bernheim a collaboré notamment avec Renaud, Patricia Kaas, Louis Chedid ou encore Dani et écrit des titres pour Elisabeth Depardieu et Brigitte Bardot.
Chez Flaubert, c'est une règle, rien ne marche jamais comme on le voudrait.
Ils sont rares, dans cette oeuvre, ceux qui marchent droit : ils évoluent dans un univers instable et sont enclins au trébuchement comme s'ils étaient affectés d'une claudication constitutive. Par le pied, témoin infaillible de la vie psychologique, affective et sexuelle de l'individu, s'organise toute une série de transferts. Exercice d'admiration et exploration transversale des textes, cet essai parcourt l'ensemble de l'oeuvre de Flaubert pour y observer tous les personnages boiteux, dans leur corps comme dans leur âme, qui peuplent son univers.