Un Livre de raison est un chef-d'oeuvre sur l'innocence et le mal. Dans son style habituel, sensible et tranchant, Joan Didion continue d'explorer l'atomisation de la société contemporaine en faisant le portrait de deux femmes aux prises avec l'implacable réalité d'une vie à la marge, dans un pays au futur incertain.
La narratrice du roman, Grace Strasser-Mendana, est d'origine américaine, mais elle est devenue par son mariage, puis par son veuvage, une propriétaire riche et influente de Boca Grande, petite " république " fictionnelle et délabrée d'Amérique Centrale. De sa formation d'ethnologue elle a conservé une passion pour l'observation des êtres humains, et si elle possède une grande partie des richesses du pays, elle en connaît aussi tous les secrets. Alors qu'elle se meurt lentement d'un cancer, Grace mène une dernière enquête autour de Charlotte Douglas, une belle Américaine de quarante ans échouée à Boca Grande dans l'espoir de retrouver sa fille rebelle en fuite, et qui a été abattue d'une balle dans le dos au cours d'une des nombreuses révolutions qui secouent le pays.
Dans ce roman d'une force rare, Joan Didion, par le biais de Grace qui se veut un témoin critique et détaché, dépeint une femme d'une ignorance stupéfiante, tout à la fois victime et figure de l'aveuglement, qui a échoué à enseigner le monde à sa propre fille. Le destin de Charlotte est singulier en même temps qu'il est emblématique d'un âge où l'autorité n'a plus de conscience, où la violence est insondable.
En 1975, à Hawaï, les membres de la dynastie Christian se réunissent autour des corps inanimés de l'une des leurs, Janet, et de Wendell, délégué au Congrès américain. Leur assassin ? Paul, le père de Janet, rapidement interné dans un hôpital psychiatrique.
Ce fait divers tragique, raconté à Joan Didion par Inez, la soeur de Janet, est l'occasion pour l'auteur de revenir sur une période sombre de l'histoire américaine, marquée par la guerre du Viêt-Nam. Autour d'Inez, tous les membres de la famille Christian cherchent un sens à leur vie au-delà des mondanités et de la jet-set. Emportés tour à tour dans les voyages, les grandes réceptions et la politique, certains se perdent dans la drogue tandis que d'autres cherchent à infiltrer les plus hautes sphères de la société. Le mari d'Inez aspire à devenir président des États-Unis, mais il lui faudra d'abord étouffer l'affaire du meurtre de sa belle-soeur. Quant à Inez, elle ne pense qu'à retrouver sa fille héroïnomane, disparue à Saigon, et vivre enfin librement avec l'homme qu'elle a toujours aimé, Jack Lovett, agent de la CIA et profiteur de guerre.
Le récit suit le fil de la mémoire d'Inez, revient constamment en arrière, analyse un événement sous différents angles, digresse enfin pour mieux capturer l'essence de cette famille dispersée, enlisée dans une " démocratie " américaine qui a perdu les valeurs qui l'ont un jour créée.
"Tout fout le camp » pour Maria. A trente et un ans, elle est divorcée. Sa carrière d'actrice à Hollywood n'a jamais décollé. Sa fille de quatre ans est internée. Sa vie n'est qu'une succession d'échec. Pour oublier - ou réfléchir - elle s'évade dans sa Corvette sur les routes arides de la Californie. Rouler pendant des heures est une obsession, mais ces fuites ne mènent jamais nulle part. Le désert est partout.
En quatre-vingt-quatre saynètes écrites comme des prises de cinéma, Maria avec et sans rien remonte le fil de la douloureuse expérience du « vide ».
Avec ce roman novateur et audacieux, à la cruauté épurée et stylisée, Joan Didion deviendra la muse d'écrivains comme Bret Easton Ellis, Jay McInerney ou Donna Tartt.