Je vous ai prévenus, je suis là pour vous dire ce que vous devez savoir. Vous me voyez sur cette scène, on se croise dans un avion, à un dîner, et vous savez ce qui m'est arrivé. Vous ne voulez pas croire que ça pourrait vous arriver à vous. C'est pour ça que je suis là.Personne n'a oublié L'Année de la pensée magique, le récit bouleversant dans lequel Joan Didion racontait son deuil.Voici aujourd'hui ce texte magique transformé par l'auteur elle-même en un monologue, incarné sur les scènes new-yorkaise et londonienne par Vanessa Redgrave. Et c'est, en France, la voix et la présence de Fanny Ardant, lors de sa création au théâtre de l'Atelier en novembre 2011, qui donnent une nouvelle vie à ce récit puissant, incandescent.
Maria, actrice hollywoodienne de 36 ans, essaie de se reconstruire après une dépression nerveuse aiguë. Mauvais joueurs, en 84 courts chapitres, nous raconte son histoire, et celle de son milieu, de ses amis et de son ex-mari, réalisateur de films d'avant-garde.
Après une enfance difficile dans le Nevada, entre un père joueur compulsif et une mère peu aimante, Maria déménage à New York et débute une carrière de mannequin. Sa mère se tue dans un accident de voiture, peut-être un suicide déguisé. Maria est fragile, se fait manipuler par les hommes, puis rencontre Carter Lang qu'elle suit à Hollywood. Ensemble, ils vont tourner deux films et avoir une petite fille, Kate. Cette dernière souffre de troubles mentaux et doit être placée dans un institut pour enfants handicapés. Maria navigue alors entre une carrière qui s'étiole déjà, sa tendance autodestructrice et son besoin d'être aimée, sans trouver d'issue. L'alcool et les psychotropes, ainsi que de longues errances en voiture et des aventures sans lendemain constituent son quotidien. Son seul espoir reste de retrouver un jour sa fille et de la guérir.
Écrit dans une langue très visuelle, Mauvais joueurs propose le portrait poignant d'une jeune femme à la dérive et celui de tout un milieu, entre glamour cinématographique et misère intime.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Rosenthal
Deux carnets conservés par Joan Didion depuis les années 1970 sont aujourd'hui rassemblés en un seul volume.
Il s'agit tout d'abord d'un carnet de voyage : en juin 1970 Joan Didion et son mari ont sillonné le Sud des États-Unis (la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama), et en de courts chapitres non datés Joan Didion livre ses observations sur les lieux, les paysages ou les gens rencontrés.
Le projet du voyage et son miroir littéraire découlent de la volonté de comprendre ce « Sud profond », pour la Californienne qu'est Joan Didion - et à travers le Sud, l'Amérique tout entière. Le Sud comme une terre tournée vers le passé - alors que la Californie est tournée vers l'avenir - et comme un pays aux certitudes inébranlables : chacun doit rester à sa place, les femmes, les Noirs, les pauvres, les étrangers. Joan Didion absorbe, commente, questionne, et se moque parfois. La plume est acérée, rapporte des conversations avec divers personnages, des entrepreneurs, des médecins, des esthéticiennes et note à quel point son apparence, ses vêtements et son attitude générale inspirent la méfiance. Elle décrit une société qui vit sur les vestiges d'un système féodal construit par les planteurs de coton.
Le deuxième carnet, daté de 1976, est constitué des notes prises par Didion quand elle s'est installée dans un hôtel à San Francisco pour couvrir le procès de Patty Hearst. L'auteure revient sur la figure de sa grand-mère, ses lectures, et sur son appartenance à cette Californie depuis qu'elle a traversé pour la première fois le Golden Gate Bridge.
Les deux textes nous permettent de mieux comprendre l'Amérique de ces années-là, et de ce fait, l'Amérique de Trump, dans ce court livre brillant où l'acuité du regard de Didion fait toujours mouche.
La presse, la politique, la Californie, les femmes : on retrouve déjà dans ce recueil rassemblant des chroniques rédigées entre 1968 et 2000, ceux qui deviendront les thèmes de prédilection de l'icône des lettres américaines. Qu'elle raconte ses débuts au magazine Vogue, une réunion des Joueurs Anonymes, qu'elle analyse la presse locale underground ou qu'elle s'interroge sur les publications posthumes des écrivains, c'est finalement toujours l'Amérique qu'elle scrute, dans toutes ses vérités et ses contradictions.
Publiés en français pour la première fois, ces textes semblent répondre à une même question : « pourquoi écrire ? ». Elle y évoque le style, la sincérité de l'écriture à la première personne, la genèse de ses trois premiers romans et le parcours qui l'a conduite à devenir l'écrivaine que nous connaissons aujourd'hui et qui continue d'inspirer des générations d'auteurs. Joan Didion n'a de cesse de nous faire rire et de nous surprendre par la finesse de sa réflexion, toujours portée par une liberté de ton, un style incisif et empathique, ainsi que le sens de la formule. L'acuité du regard de cette figure mythique de la littérature américaine brille ici dans toute sa modernité et sa puissance visionnaire.
Grace se donne pour mission de témoigner de l'histoire de Charlotte. Les deux femmes sont américaines, leurs chemins se croisent dans une petite république d'Amérique Centrale où Grace vit depuis des années. Quand Charlotte s'y installe pour essayer de retrouver sa fille Marine, elle ne soupçonne pas que son destin va se jouer dans ce pays rongé par la violence et la corruption. Grace placée au coeur de la classe dirigeante de l'État par son mariage essaie de l'aider. Elle est scientifique, se veut rationnelle. Elle est pourtant incapable de comprendre les passions de Charlotte, une femme qui engage sa vie sans concessions, jusqu'à se perdre.
Roman d'une tragédie à la fois intime et politique, Un livre de raison impressionne toujours, quarante ans après sa première publication, par son écriture laconique et par l'acuité du regard de Joan Didion.
Après avoir érigé un inoubliable tombeau littéraire à l'homme de sa vie (L'Année de la pensée magique), Joan Didion adresse, dans Le Bleu de la nuit, un vibrant hommage funèbre à leur fille, décédée quelques semaines à peine avant la parution de la Pensée magique aux Etats-Unis. Mais qu'on ne se méprenne pas : loin d'être une « suite » de la Pensée magique, ce récit serait plutôt son image en miroir, une variation inversée. On y retrouve, intactes, la puissance et la singularité de l'écriture de Didion : sèche, précise, lumineuse face à la nuit. Dans un puzzle de réminiscences et de réflexions (sur la mort, bien sûr, mais aussi sur les mystères de la maternité, de l'enfance, de la maladie, de la vieillesse, de la création...), l'auteur mène un combat acharné contre les fantômes de la mélancolie, des doutes et des regrets. Poignante sans jamais verser dans le pathétique, d'une impitoyable honnêteté envers elle-même sans jamais céder aux sirènes de la complaisance ou de l'impudeur, elle affirme une fois de plus, au crépuscule de son existence, sa foi dans les forces de l'esprit et de la littérature.
Près d'un demi-siècle avant L'Année de la pensée magique, une jeune femme faisait ses débuts sur la scène littéraire américaine. Joan Didion n'a pas trente ans lorsque paraît en 1963 Run River, premier roman et premier jalon d'une oeuvre immense à venir, dont il annonce déjà, à bien des égards, les thèmes, la couleur et l'écriture si particulière. À première vue, c'est une histoire presque banale : Everett McClellan tue l'amant de sa femme, Lily. Aux mains de n'importe quel écrivain, on aurait affaire, au choix, à une bluette sentimentale ou à un roman policier des plus ordinaires. Mais l'auteur du Bleu de la nuit n'est pas n'importe qui ; chez elle, cette trame domestique et dramatique sert un propos ô combien plus ambitieux. Derrière l'analyse des tromperies et des faux-semblants de la vie de couple, il s'agit pour elle de démonter méthodiquement les ressorts et les conséquences d'un assassinat d'une tout autre nature : celui des illusions qu'une certaine Amérique aura nourries pendant plusieurs décennies, depuis l'époque des grands pionniers californiens dont Everett et Lily sont les ultimes descendants, jusqu'à l'aube des années 1960, qui sous la plume acérée et visionnaire de Didion s'apparente plutôt à un crépuscule : la fin du Rêve Américain.